Droits de succession : L’irrésistible convoitise du gouvernement

Beaucoup convoitent le trésor

Le Président de la République a formellement exclu toute réforme des droits de succession. Pourra-t-il tenir sa promesse ? Les déclarations de proches ou de membres du gouvernement indiquent au contraire un désir de réformer cet impôt, certes très impopulaire, mais aussi très lucratif pour l’État.

MaSuccession.fr revient sur les raisons économiques et politiques qui expliquent cette convoitise des gouvernants pour l’impôt droits de succession.

Une volonté persistante de réforme des droits de succession

En septembre, Christophe Castaner, alors délégué général de La République en marche annonçait le lancement d’une réflexion sur une réforme de l’impôt sur les successions. Face au tollé général, il était promptement et fermement démenti par le Président de la République. Celui-ci affirmait alors « exclure toute modification des droits de succession » sous sa présidence.

Mais quelques mois plus tard, Gabriel Attal, un jeune secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, envisage à nouveau une réforme des droits de succession. Il propose de supprimer la réserve héréditaire, la partie d’héritage légalement réservée aux enfants et, en l’absence d’enfants, au conjoint. D’après lui, cela permettrait en particulier aux grosses fortunes de donner plus aux associations.

Cette fois-ci, pas de démenti.

Faut-il s’en inquiéter ? La réponse est oui. Voilà pourquoi.

Le motif économique : un impôt en or pour l’État

L’impôt droits de succession est un impôt en or, un impôt « tout bénef’ » pour l’état.

D’abord, sa collecte ne coûte pas grand’ chose. Ce sont les notaires qui se chargent de tout. Ils calculent, enregistrent et versent au Trésor les droits de succession. Le tout aux frais des déclarants qui payent tous les frais de notaire.

Ensuite, c’est un impôt élevé. Le total des droits de mutation à titre gratuit (successions et donations qui leur sont intimement liées) s’est élevé à 12,8 milliards d’euros en 2017. Ce sont plus de 15 milliards d’euros qui sont attendus en 2018 à cause d’un décalage d’enregistrement de certains impôts. Les droits de mutation à titre gratuit font partie du top 5 des impôts les plus lourds.

À un moment où le gouvernement cherche à équilibrer son budget par tous les moyens, la tentation est forte de puiser dans ce trésor caché.

Le motif politique : combattre « une société d’héritiers »

Il existe bien une idéologie qui sous-tend cette volonté persistante de reformer les droits de succession. Elle est clairement exprimée par France stratégie, l’organisme d’analyse prospective des sujets sociaux et économiques rattaché au Premier ministre.

Ainsi, une note d’analyse de 2017 titrée « Peut-on éviter une société d’héritiers ? » accuse les transmissions non seulement de perpétuer, mais d’accroître les inégalités de revenu. De plus, elle déplore que les donations ne soient pas assez encouragées. Le patrimoine n’est pas transmis assez vite aux jeunes générations qui pourraient le faire fructifier de façon profitable pour toute l’économie.

Pour combattre ces problèmes, France Stratégie propose une réforme « en profondeur » des droits de succession avec des mesures telles que :

  • Une fiscalité moins élevée lorsque les sommes sont reçues par des individus jeunes.
  • Une taxation sur l’ensemble du patrimoine hérité au cours du temps par une personne.
  • Une taxation qui privilégie moins les successions par les enfants.

Non, les héritiers ne sont pas minoritaires

Preuve de sa détermination à poursuivre le sujet, France Stratégie a commandité au CREDOC une étude d’opinion sur les droits de succession. Le résultat a été publié en janvier 2018 sous le titre « Fiscalité des héritages : impopulaire mais surestimée. » D’après les auteurs, l’impôt droits de successions est méconnu, sous-entendant que s’il était mieux connu, il serait moins impopulaire.

Déformant grossièrement les faits, l’analyse présente les héritiers comme des riches minoritaires : « la part des personnes ayant aujourd’hui bénéficié d’une transmission de patrimoine reste minoritaire (33 %) et croît avec le niveau de revenu. » On lit pour preuve : « Seul un enquêté sur trois déclare avoir déjà bénéficié d’une donation ou d’un héritage supérieur à 5 000 euros et un peu moins d’un sur deux pense qu’il en bénéficiera à l’avenir. »

C’est une grave erreur d’analyse. En effet, le CREDOC a interrogé un large panel de Français âgés de 18 ans et plus. L’âge moyen pour hériter ou recevoir une donation étant de 57 ans, il est normal que seul un tiers (33%) ait déjà hérité puisqu’ils n’ont pas atteint cet âge !

On peut estimer que 80% des français recevront un héritage une fois dans leur vie. Nos études montrent que 84% pensent avoir quelque chose à transmettre.[i]

Conclusion

France Stratégie veut faire de l’impôt droits de succession/donation un impôt plus social, plus redistributif qu’il ne l’est déjà. C’est cette pensée qui anime beaucoup de membres du gouvernement.

Elle ne correspond pas aux aspirations des Français. Les Français, même modestes, sont attachés à la transmission générationnelle et très opposés aux droits de succession, principalement parce qu’ils estiment que le patrimoine a déjà été suffisamment taxé du vivant du défunt.

 

 

[i] Source : Etude OpinionWay pour MaSuccession.fr. Sondage d’un échantillon représentatif de 1.051 français âgés de plus de 45 ans. Nous avons choisi de n’interviewer que des personnes de 45 ans et plus car elles sont très concernées, étant à la fois en âge de penser à transmettre leur patrimoine et de recevoir un héritage.