Comment un entrepreneur peut il financer sa retraite par la vente de son entreprise ? Existe-t-il des moyens pour transmettre son entreprise à ses enfants (transmission intrafamiliale) ? Quelles solutions pour financer la transmission d’entreprise quand les enfants n’ont pas forcément les liquidités nécessaires ?
Connaissez-vous l’owner buy-out ?
Défis auxquels l’owner buy-out répond
Pour un dirigeant d’entreprise partant à la retraite qui souhaite transmettre son entreprise à ses enfants, il peut être compliqué d’envisager une donation. En effet, celui-ci peut avoir besoin de se constituer un patrimoine privé pour assurer son train de vie à la retraite.
D’un autre côté, il peut être compliqué pour l’enfant repreneur de racheter l’entreprise car ce dernier ne dispose pas forcément des liquidités suffisantes.
L’owner buy out (OBO) qui emprunte aux effets de levier du leverage buy out (LBO), permet de répondre à cette double problématique.
L’opération se déroule en deux temps, il y aura tout d’abord lieu de procéder à la mise en place de l’OBO en lui-même puis de procéder dans un second temps à la transmission des parts de la holding de reprise aux enfants.
La mise en place de l’OBO :
Le chef d’entreprise va constituer une holding de reprise en apportant une partie de ses titres à une holding nouvellement constituée. Il est plus prudent en effet de créer une holding nouvelle plutôt que d’utiliser une holding existante. En effet cela évite d’avoir un passif grevant la société, ce qui pourrait décourager une banque de prêter des fonds à la holding.
La forme sociale la plus adaptée pour cette holding de reprise semble être la société par actions simplifiée (SAS) pour plusieurs raisons. Celle-ci offre tout d’abord de grandes libertés statutaires et a l’avantage d’être à responsabilité limitée pour les associés. En outre, il s’agit d’une société commerciale ce qui permettra à la holding d’exercer une activité d’animation de la société cible. Enfin, le fait que la société soit à l’IS va permettre également de bénéficier de dispositifs d’optimisation que nous verrons dans la seconde partie.
À l’occasion de la constitution de la holding, d’éventuels investisseurs extérieurs ou managers pourront entrer au capital.
Par la suite, la société holding s’endettera auprès d’une banque afin de racheter les parts que le chef d’entreprise détient directement dans la cible. L’emprunt de la banque sera remboursé grâce aux dividendes qui remontent de la cible et les intérêts d’emprunt seront déductibles fiscalement pour la holding.
A l’issue de cette opération, le chef d’entreprise a interposé une société holding de reprise mais il a gardé le contrôle de sa société et réalisé un cash-out.
La donation aux enfants :
Le chef d’entreprise va donner les parts qu’il détient à l’enfant ou aux enfants repreneurs.
Dans le cas où seul l’un des enfants souhaite reprendre l’entreprise, il conviendra de verser une soulte aux autres enfants afin de ne pas empiéter sur leur réserve héréditaire.
Il sera judicieux de procéder à un démembrement de propriété des parts, la nue-propriété seulement faisant l’objet d’une donation.
Ainsi, le donateur en tant qu’usufruitier conservera le bénéfice du versement des dividendes (une fois l’emprunt remboursé).
Par ailleurs, cela permet de bénéficier du barème de l’article 669 du code général des impôts (CGI). Article qui détermine la valeur de la nue-propriété transmise. Comme une quotité de la pleine propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier. Cela permettra donc de réduire l’assiette des droits de donation.
Le pacte Dutreil pour renforcer la stratégie patrimoniale
Afin d’optimiser d’avantage la transmission, le démembrement pourra être couplé avec le Pacte Dutreil. Cependant les pouvoirs de décision de l’usufruitier devront se limiter à l’affectation des bénéfices.
Le Pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit sur 75% de la valeur des titres transmis. Si et seulement si, certaines conditions sont remplies :
- un engagement collectif de conservation des titres de 2 ans doit être mis en place et être en cours au jour de la transmission ;
- cet engagement doit porter sur :
- au moins 17 % des droits financiers
- et 34 % des droits de vote lorsqu’il s’agit de titres de sociétés non cotées
- OU sur au moins 10% des droits financiers
- et 20 % des droits de vote s’il s’agit de titres de sociétés cotées ;
- un des associés signataires de l’engagement collectif de conservation ou l’un des donataires, héritiers ou légataires devra exercer dans la société une fonction de direction :
- pendant la durée de l’engagement collectif
- et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission,
Les outils d’optimisation de l’OBO
Le régime fiscal mère fille
Le régime mère fille va permettre à la société mère de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) sur les dividendes reçus par ses filiales sauf réintégration d’une quote part de frais et charge de 5% qui fera l’objet d’une réintégration extra comptable chez la société mère.
- La société mère et la filiale doivent être à l’IS au taux normal ; sauf possibilité pour la société d’être assujettie au taux réduit d’IS à 15 % ;
- La société mère doit détenir en pleine propriété 5% du capital de la fille et les titres doivent être nominatifs ;
- Les titres doivent être conservés pendant au moins 2 ans.
L’intégration fiscale va également permettre d’optimiser le schéma d’OBO.
Ce dispositif consiste à consolider l’ensemble des résultats fiscaux des sociétés d’un même groupe et de neutraliser les opérations intra-groupes. La société holding va déterminer le résultat d’ensemble imposable à l’IS et payer l’impôt dû par le groupe intégré.
Le groupe peut être constitué par la société holding avec une ou plusieurs de ses filiales dont elle détient directement 95 % au moins du capital social. Cependant, la société tête de groupe doit remplir une condition. Ne pas être détenue à plus de 95% par une autre société à l’IS.
Intégration fiscale et amendement Charasse
Par ailleurs, l’intégration fiscale pourra être remise en cause avec l’amendement Charasse. Qui a pour objet d’éviter le recours à l’intégration fiscale dans le cadre d’une « vente à soi-même ».
Ce dispositif permet à l’administration fiscale de procéder à une réintégration des charges financières liées à l’achat d’une société si l’actionnaire auprès de qui la société a été achetée contrôle le groupe ou une des filiales du groupe.
Ainsi, la plupart des montages d’OBO entreront dans le champ d’application de l’amendement Charasse. Le dirigeant devra donc choisir entre :
- la renonciation au pouvoir de direction de son entreprise
- ou la renonciation au schéma d’intégration fiscale.
Il pourra toujours avoir recours aux “management fees”. Ainsi, les produits imposables versés de la filiale à la holding animatrice pour des services rendus, permettront d’imputer sur les frais financiers liés à la dette d’acquisition. Et ainsi, rétablir le levier fiscal.
Il faut cependant que les prestations soient conformes à l’intérêt social et non disproportionnées.
Les limites du mécanisme
L’OBO dans le cadre de la transmission intrafamiliale d’une entreprise doit être maîtrisée avec parcimonie.
Attention à l’abus de droit
En effet, l’abus de droit fiscal peut constituer un frein aux montages d’OBO. D’autant plus que la notion a été élargie par le projet de loi de finance de 2019 pour les opérations réalisées dès 2020.
L’abus de droit fiscal est régi par l’article L 64 du livre des procédures fiscales (LPF). Il permet à l’AF d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes ayant un caractère fictif. Ou les actes qui par une application littérale des textes ont pour seul motif d’éluder ou d’atténuer l’impôt.
L’article L 64 du LPF, dans son dispositif de fraude à la loi sanctionne donc les actes ayant un but exclusivement fiscal. Cela vise donc un montage purement artificiel.
L’administration fiscale pourra par exemple considérer que le chef d’entreprise a cherché :
- à substituer à la fiscalité des revenus du chef d’entreprise,
- une fiscalité des plus-values plus favorable.
Le Conseil d’État s’est prononcé pour la première fois sur l’articulation de l’OBO et de l’abus de droit dans un arrêt Bourdon du 27 janvier 2011.
Reconnaissance du rôle de la holding familiale
Le Conseil d’État s’est montré plutôt compréhensif envers le contribuable. En effet, il a considéré que la mise en place de l’OBO avait présenté pour les cédants « un intérêt d’ordre financier et patrimonial durable ». Notamment car le fait de passer par une holding permettait de lever de la dette bancaire plus facilement ; tout en ne mettant pas en gage le patrimoine privé des contribuables.
Cependant, la loi de finance pour 2019 élargit la notion de l’abus de droit fiscal. Et met en danger de tels montages. En insérant à l’article L 64 A du LPF, une nouvelle définition d’un intérêt principalement fiscal. On a donc un abus de droit à deux étages. Cette nouvelle disposition pose la question de savoir comment seront quantifiés les buts fiscaux ou non. Puisque le législateur n’a pas défini ce qu’était un but principalement fiscal.
Le communiqué de presse de Bercy pour rassurer les contribuables
Le démembrement qui est opéré sur les parts lors de la donation pourrait notamment être remis en cause. On notera un communiqué de presse de janvier 2019 qui tente de rassurer les contribuables. Et ce, en assurant que l’abus de droit ne remettra pas en cause les démembrements de propriété. Mais celui-ci n’ayant pas de valeur légale, il doit être pris avec précaution.
Dans tous les cas, soyez assurés que MaSuccession.fr suivra ce dossier pour vous.
Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre article sur l’owner buy-out immobilier.
Références légales :
Pour consulter l’article 669 du code général des impôts sur le barème fiscale du démembrement, cliquez ici.