Vous souhaitez ou avez déjà réalisé des donations à vos enfants ou à votre conjoint ? Une donation à vos héritiers de votre vivant, peut être considérée comme une donation en avance de succession. Est-elle révocable ? C’est le sujet de cet article.
Le principe de la donation en avance de succession
En France, les donations sont réglementées. Ainsi, hormis les présents d’usage, toutes les donations doivent être déclarées au fisc. En effet, au-delà d’abattements qui dépendent du lien de parenté entre donateur et donataire, les donations sont soumises à des droits de donations qui vont de 5 % à 60 % des montants donnés.
Dans le cas particulier des donations aux enfants et aux conjoints, les donations peuvent être considérées comme des avances sur la succession. En effet, au décès du parent donateur, les enfants sont des héritiers réservataires. Les donations qu’ils ont reçues sont prises en compte dans le partage de l’héritage et le paiement des droits de succession. On parle de “rapport” ou “rappel” à la succession.
Ainsi, si Jean a reçu 50 000 euros de son père peu avant le décès de celui-ci.
- Le notaire compte les 50 000 euros dans la part d’héritage de Jean.
- Le fisc déduit les 50 000 euros de l’abattement de 100 000 € auquel Jean a droit pour le calcul des droits de succession
Les héritiers réservataires sont les enfants, si le défunt en avait, et le conjoint, si le défunt n’en avait pas. Une fois rapportées à la succession, les donations ne doivent pas empiéter sur la part obligatoirement attribuée aux héritiers réservataires.
Pourquoi réaliser une donation en avance de succession ?
La mise en place d’une donation en avance de succession est une forme d’anticipation qui permet d’optimiser la transmission d’un patrimoine familial.
Les donations permettent, entre autres :
- De gratifier les héritiers légaux au moment où ils en ont le plus besoin.
- D’organiser la transmission de façon à prévenir les conflits entre héritiers ou pour garder dans la famille un patrimoine tel qu’une entreprise.
- De réduire le montant des droits de transmission. Citons deux exemples parmi les nombreuses optimisations fiscales qu’offrent les donations :
- les donations-partages figent la valeur des biens donnés,
- les donations successives permettent aux héritiers de bénéficier plusieurs fois des abattements fiscaux renouvelables tous les 15 ans.
La donation en avance de succession est en principe irrévocable
Comme tout don, la donation en avance de succession est un contrat par lequel le donateur se dépossède de son vivant, à titre définitif, d’un bien au profit d’une personne de son choix. La donation est en principe un acte irrévocable (article 894 du Code civil).
Cette règle vise à protéger le donataire d’un changement d’avis du donateur et de ses ayants cause.
Pour certaines donations, un acte authentique signé devant un notaire est obligatoire :
- La donation de biens immobiliers,
- La donation au dernier vivant par contrat de mariage
- La donation-partage.
Dans tous les autres cas, la donation peut être réalisée par acte sous seing privé.
Quelles sont les exceptions à l’irrévocabilité de la donation en avance de succession ?
Les donations sont révocables dans les cas suivants :
Ingratitude du donataire
Il existe 3 cas d’ingratitude qui entraînent la possibilité de révoquer une donation (article 955 du Code civil) :
- Le donataire a intenté à la vie du donateur. Ici, ce n’est pas la condamnation qui compte, mais l’intention criminelle sanctionnée par la révocation.
- Le donataire s’est rendu coupable envers le donateur de sévices, de délits qui peuvent porter sur des biens, ou d’injures graves.
- Le donataire a refusé des aliments au donateur alors qu’il avait les moyens de subvenir à ses besoins.
Inexécution des charges
L’inexécution de charges ou obligations en cas d’une donation en avance de succession peut entraîner la révocation de la donation.
- Par exemple, si vous donnez un bien immobilier à votre enfant à charge pour lui de l’entretenir, vous pouvez en demander la restitution s’il ne remplit pas cette obligation.
Survenance d’enfant
Si le donateur n’avait pas d’enfant au moment de la donation, il peut demander la révocation de la donation s’il a plus tard un enfant, que cet enfant soit un enfant biologique ou adopté (article 960 du Code civil). Dans ce cas, on parle de « survenance d’enfant. »
Attention aux points suivants :
- La révocation en cas de survenance d’enfant n’est possible que si une clause de la donation a prévu cette possibilité.
- La révocation n’est pas systématique. Le donateur doit la demander dans un délai de 5 ans à compter de la naissance ou de l’adoption plénière de l’enfant.
Clause de retour
Le droit de retour est un mécanisme juridique destiné à assurer la conservation des biens dans le patrimoine familial. Une clause de retour permet au donateur de reprendre un bien donné lorsque le donataire décède avant lui. La donation « prend fin » au décès du donataire.
Le droit de retour légal permet aux parents d’un enfant sans descendance de récupérer, sans payer de droits de succession, une partie des biens qu’ils lui avaient donnés. Ils peuvent redonner ces biens à un autre enfant dans les cinq ans qui suivent sans repayer de droits de donation.
Donation entre époux
La révocation d’une donation entre époux est possible dans certaines conditions. Les règles suivantes s’appliquent depuis le 1er janvier 2005 :
- Si la donation est inscrite dans le contrat de mariage (exemple : donation d’un immeuble), le bien ou la somme d’argent donnée sort immédiatement et définitivement du patrimoine du donateur. La donation entre dans les biens propres de l’époux donataire et ne peut plus être annulée (cf. schéma 1).
- Si la donation est une donation à effet différé, par exemple, au décès du donateur (donation au dernier vivant), elle est alors librement révocable par le donateur de son vivant. Le divorce la révoque automatiquement (cf. schéma 2).
Conclusion
Hormis la révocabilité des donations pour ingratitude, les conditions de révocabilité des donations en avance de succession doivent être prévues lors de la mise en place de ces donations.
Dans tous les cas, la révocation d’une donation implique des démarches qui peuvent être longues et complexes.
Par conséquent, il est important de prendre conseil pour bien formaliser les donations en avance de succession.
Et ainsi, profiter pleinement de leurs nombreux avantages.