Quels sont les droits de l’héritier caché ou oublié à la succession ?

Droits de l'héritier caché ou oublié à la succession

La succession fait parfois ressurgir des histoires familiales délicates, dont la question des enfants illégitimes nés d’une liaison cachée. La tentation est parfois grande de dissimuler au notaire un héritier caché ou oublié.

Quels sont les risques d’un tel silence ? L’enfant oublié, volontairement ou involontairement, peut-il agir contre un partage de succession déjà effectué ?

Quels sont les cas d’omission possibles d’un héritier ?

Le cas de l’héritier caché à la succession

L’omission d’un héritier est volontaire lorsque d’autres héritiers dissimulent son existence sciemment et de mauvaise foi afin de s’approprier ses droits à la succession. Ils commettent alors un délit de recel successoral. Pour que le délit soit sanctionné, il faut nécessairement qu’une intention frauduleuse soit caractérisée.

Le cas de l’héritier oublié à la succession

L’omission de l’héritier peut être involontaire. Dans ce cas, aucune sanction n’est encourue. Une fois reconnu et averti de la succession, l’héritier oublié doit recevoir sa part d’héritage.

Quels sont les droits de l’enfant caché ou oublié

Qu’ils soient légitimes, naturels, ou adultérins, tous les enfants viennent à égalité dans la succession. L’enfant adultérin a longtemps eu des droits successoraux inférieurs aux autres enfants. En 2001, la loi a mis fin à cette inégalité. Désormais, les enfants nés d’une liaison extra-conjugale disposent des mêmes droits que ceux nés dans le cadre d’une union reconnue.

De plus, tous les enfants du défunt sont héritiers réservataires. Ils se partagent une partie irréductible de la succession, appelée la réserve héréditaire. Un testament ne peut pas entamer la réserve héréditaire. Celle-ci comprend entre la moitié et les trois quarts du patrimoine successoral, selon le nombre d’enfants.

Quelles sont les conséquences pour les autres héritiers ?

La découverte d’un héritier caché ou oublié remet en cause le partage de la succession et les droits des autres héritiers. Un partage complémentaire ou un nouveau partage doit avoir lieu.

L’intégralité des biens successoraux est réévaluée à leur valeur au jour du nouveau partage. Ce dernier point est important, car ces biens ont pu prendre de la valeur ou générer des revenus depuis le premier partage.

Des éventuels héritiers évincés

Dans certains cas, si l’héritier omis est un héritier d’un ordre supérieur à ses cohéritiers, ces derniers peuvent être privés de tout droit à la succession.

L’exemple suivant montre comme un héritier caché ou oublié peut priver d’autres héritiers de tout héritage :

Jean, marié, sans enfant, décède à 40 ans. Ses héritiers légaux sont alors ses parents pour 50 % du patrimoine successoral et son épouse pour 50 %. Un enfant caché se présente à la succession. En tant qu’enfant unique, il est héritier réservataire de son père pour 50 % de la succession. En tant qu’héritier d’un ordre supérieur aux parents de Jean, il les prive de tout héritage. Le partage de l’héritage se fera donc à 50 % pour l’enfant et 50 % pour la conjointe de Jean.

Quelles sanctions en cas de recel successoral ?

Une fois le recel successoral caractérisé, l’héritier receleur est sanctionné de la manière suivante :

  • L’héritier receleur n’a plus la possibilité de renoncer à la succession.
  • Il doit assumer un éventuel passif (dettes) de la succession.
  • Les biens qui auraient dû revenir à l’héritier dissimulé sont réputés avoir été recelés.
  • L’héritier receleur n’a plus aucun droit sur ces biens détournés. Il doit rendre tous les éventuels gains ou revenus produits par ces biens.
  • Il peut avoir à payer des dommages et intérêts.

La Cour de cassation a confirmé qu’un notaire engageait sa responsabilité à l’encontre de l’héritier oublié s’il disposait d’éléments lui permettant de suspecter l’existence d’autres héritiers, comme la remise d’un livret de famille mentionnant un premier mariage (Arrêt en date du 25 mars 2009).

En revanche, le notaire n’est pas responsable à l’encontre des héritiers receleurs qui connaissaient l’existence d’autres héritiers s’il ne pouvait s’apercevoir de l’inexactitude des déclarations en faisant les vérifications nécessaires à l’état civil (Cass. 1re, 9 avril 2014).

Comment prouver sa filiation ?

En l’absence de testament, les héritiers reconnus comme tels sont les héritiers légaux, c’est-à-dire ceux qui disposent d’une preuve d’un lien de parenté ou d’alliance avec le défunt. Si vous estimez posséder un tel lien, il est primordial de vous procurer une preuve.

L’article 730 du Code civil stipule que la preuve « s’établit par tous moyens ».

Faire établir la preuve non contentieuse

Vous pouvez prouver votre filiation par un des trois titres juridiques suivants :

  • L’acte de naissance est suffisant pour établir la filiation maternelle et faire jouer la présomption de paternité. La présomption de paternité est instituée par les articles 312 et suiv. du Code civil : « L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».
  • La reconnaissance volontaire : la reconnaissance de paternité librement souscrite à la naissance ou après.
  • En l’absence des deux premiers titres, la « possession d’état » constatée dans un acte de notoriété permet d’établir la filiation. Il s’agit d’un acte établi par le notaire attestant que le défunt et l’enfant se sont effectivement comportés comme parent et enfant. Par exemple, le défunt a traité l’enfant comme son enfant, assumé des responsabilités administratives à son égard et payé son entretien. L’acte de notoriété présume la qualité d’héritier jusqu’à preuve du contraire.

Intenter une action en recherche de paternité ou maternité

Si vous ne possédez pas de preuve de filiation non contentieuse, il vous est nécessaire d’intenter une action en justice pour faire établir le lien de filiation.

Vous pourrez ensuite demander une expertise biologique visant à confirmer l’existence d’un tel lien. Cependant, vous n’aurez le droit de le faire que dans le cadre d’une action judiciaire en reconnaissance de filiation (Cass. civ. 1re, 27 janvier 2016, n° 14-25.559).

Un défunt avait un fils de dix ans qu’il avait reconnu lorsque ce dernier en avait sept. Dix-huit ans après son décès, sa mère et son frère ont tenté de faire annuler la reconnaissance de paternité en prouvant que l’enfant n’était pas le fils biologique de son père. Ils ont été déboutés, car ils n’étaient pas qualifiés pour lancer une procédure de recherche de paternité (Civ. 1re, 14 juin 2005, n° 02-18.654). L’action en recherche de paternité est réservée à l’enfant (C. civ., art. 327) qui peut l’engager jusqu’à l’âge de vingt-huit ans, soit dix ans après sa majorité (C. civ. art. 321).

Comment contester le partage de l’héritage ?

Les articles 887 à 888 du Code civil stipulent les cas de nullité du partage successoral. Outre les cas d’annulation pour violence, dol ou erreur, ces dispositions incluent l’annulation pour cause d’omission d’un des cohéritiers.

Que l’omission soit volontaire ou involontaire, l’héritier caché ou oublié dispose d’un délai de 10 ans à compter de l’ouverture de la succession pour se faire connaître auprès du notaire. Il doit alors intenter une démarche dite de « pétition d’hérédité ». S’il n’a engagé aucune action dans ce délai, il sera réputé avoir renoncé à la succession.

  • Si l’omission d’un héritier n’est pas le fait d’un recel successoral, l’héritier oublié peut demander l’obtention immédiate de sa part de l’héritage, soit en valeur, soit en nature, en saisissant le tribunal judiciaire. Mais il est également possible pour l’héritier oublié de demande l’annulation du partage ou de la distribution de la part oubliée par ses cohéritiers. Dans ce cas-là, il dispose d’un délai de 5 ans pour agir en annulation.
  • S’il s’agit d’un recel successoral, l’héritier dissimulé doit saisir le tribunal judiciaire dans les cinq ans. Un inventaire de la succession devra obligatoirement être remis au juge.