Comment gérer une succession d’entreprise au décès du dirigeant ?

La différence est importante entre les sociétés et les entreprises individuelles. Dans les secondes, rien ne distingue la personne morale de celle de l’exploitant. L’entrepreneur est à la fois propriétaire, gestionnaire, exploitant, employeur, responsable des aspects techniques, commerciaux et financiers. Dans ce cas, le décès, si la succession n’a pas été anticipée, entraîne souvent de graves difficultés et devient un casse-tête pour les héritiers.

Les conséquences immédiates du décès

Le patrimoine du dirigeant d’entreprise individuelle est composé d’un ensemble actifs et de passifs, professionnels et privés qui ne font qu’un (excepté dans le cas de l’EIRL, statut qui distingue les biens privés du patrimoine professionnel).

Estimer les biens professionnels

Le fisc prend en compte la valeur vénale des clientèles et fonds de commerce. Il établit un comparatif avec les cessions récentes d’entreprises similaires, ou bien se fonde sur des barèmes professionnels souvent estimés en pourcentage du chiffre d’affaires par rapport au loyer. Chaque poste : fonds de commerce, locaux d’exploitation, créances, dettes, etc… est évalué distinctement. Une procédure très lourde.

Pour l’évaluation du patrimoine immobilier, l’administration tiendra compte du montant d’un éventuel loyer et des conditions particulières du bail.

Déterminer les passifs professionnel et personnel

L’entrepreneur individuel est responsable des dettes de son entreprise et son patrimoine privé peut être entamé pour les régler (sauf s’il a opté pour une déclaration d’insaisissabilité auprès d’un notaire). Ses héritiers eux, devront supporter l’ensemble du passif, qu’il soit professionnel ou personnel.

Mais si les dettes nées avant le décès sont fiscalement déductibles de l’assiette de calcul des droits, ce n’est pas le cas de dettes nées après la date du décès.

Accepter ou renoncer

Si l’entreprise se porte bien (biens immobiliers privés importants, peu de passif professionnel et personnel), les héritiers choisiront l’acceptation pure et simple de la succession. En revanche, si les actifs ne semblent pas suffire à contrebalancer les passifs, les héritiers ont intérêt à renoncer à cette succession ou à ne l’accepter qu’à « concurrence de l’actif net ».

Gérer l’indivision

Si le défunt a plusieurs héritiers, il faudra gérer le principe d’indivision des biens. Or, dans le cas d’une entreprise et à défaut de dispositions antérieures prises par le dirigeant, le partage s’avère plus compliqué et porteur de conséquences lourdes et contradictoires avec la bonne gestion d’une entreprise.

Le TGI peut parfois accepter qu’elle soit cédée sur demande d’héritiers titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis. Dans ce cas, l’entreprise devra obligatoirement être vendue aux enchères publiques.

Les solutions par anticipation

Nous avons déjà évoqués les différents types de donation permettant d’anticiper sereinement sa succession. Concernant la transmission d’une entreprise au décès, il existe d’autres procédures spécifiques :

Mandat à effet posthume

L’entrepreneur peut donner à une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, un mandat d’administration ou de gestion, dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers identifiés. Le mandat peut porter sur une période déterminée et prolongeable et être exercé en lieu et place d’héritiers. Mais sa mise en place doit être justifiée. Le mandant devra faire connaître ses raisons : héritiers mineurs, handicapés ou conflits familiaux. Le mandataire choisi devra l’accepter par acte notarié et le mandat sera inscrit au Fichier des Dernières Volontés.

Mandat de protection future

Il ne s’agit pas ici d’anticiper sur le décès du dirigeant mais sur son éventuelle incapacité. Ce mandat s’appliquera dès que l’altération de ses facultés mentales et physiques nécessaires à l’exploitation aura été médicalement constatée. Il peut être établi devant notaire ou par acte sous seing privé.

Lorsque le patrimoine du défunt comporte une entreprise, les héritiers doivent – en plus de leur propre douleur et des difficultés inhérentes à toute succession – veiller à éviter une catastrophe économique et humaine dépassant largement le cadre familial. Dans ce cas précis, le vieil adage « Mieux vaut prévenir que guérir » prend tout son sens.