Les droits de succession et de donation au cœur de la campagne électorale

droits de succession dans la campagne présidentielle

Les droits de succession et de donation sont devenus un marqueur politique dans la campagne présidentielle. Les candidats s’opposent en deux camps : pour la hausse ou pour la baisse de l’impôt. Ils s’accordent cependant sur certains points comme l’exonération des patrimoines plus modestes… que la loi actuelle permet déjà largement.

Le débat électoral n’éclaire donc malheureusement pas le public sur ce sujet complexe et mal connu.

Pour l’augmentation des droits de succession

Pour la gauche, il faut augmenter les droits de succession afin d’empêcher la perpétuation des inégalités et, au contraire, en faire un outil de redistribution du patrimoine.

L’argument invoqué est l’augmentation des inégalités et de la part de la fortune héritée dans le patrimoine des Français. Selon le Conseil d’analyse économique, la part de l’héritage dans le patrimoine des ménages aurait augmenté de 35 % au début des années 1970 à 60 % en 2010.

  • Le candidat de la France Insoumise, Jean- Luc Mélanchon, propose de créer un seuil maximal de 12 millions d’euros au-delà duquel le patrimoine serait taxé à 100%.
  • Le candidat écologiste Yannick Jadot propose d’instaurer un abattement unique de 200.000€ pour les successions des enfants et petits-enfants. L’abattement serait calculé sur l’ensemble de la vie de l’héritier. Les autres dispositifs d’exonération des droits de transmission (assurance vie, démembrement, etc.) seraient supprimés.
  • La candidate socialiste Anne Hidalgo propose d’augmenter fortement l’impôt sur les successions supérieures à 2 millions d’euros et d’exonérer les successions de moins de 300 000 euros.

Pour la baisse des droits de succession

Pour la droite, les droits de succession sont actuellement trop élevés.

En effet, La France est le troisième après la Corée et la Belgique dans l’ordre des pays où les successions sont le plus fortement taxées.[i] De plus, les Français sont favorables à 87% à une baisse des droits de succession car ils veulent transmettre le maximum à leurs enfants.[ii]

Dans cette optique, la fiscalité doit encourager les transmissions familiales, en particulier les transmissions d’entreprise afin de faire circuler le capital et protéger les petites entreprises.

  • La candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, souhaite que l’abattement de 100­­ 000 € sur les successions entre parent et enfant soit étendu aux petits enfants et renouvelable tous les 10 ans, au lieu de 15 ans actuellement. Elle propose aussi une exonération spécifique de 300 000 € sur la transmission des biens immobiliers.
  • Eric Zemmour, quant à lui, propose également une exonération similaire, mais seulement de 200 000 €. Il veut également exonérer complètement les transmissions d’entreprise.
  • Valérie Pécresse propose de réduire la durée du renouvellement de l’abattement de 100 000 € à 6 ans pour les donations aux enfants et petits-enfants et d’augmenter à 50 000 € l’abattement sur les transmissions aux neveux et aux fratries.

Les points d’accord et de désaccord

On voit que malgré l’opposition idéologique, les candidats s’accordent sur deux points :

  • La volonté d’exonérer les transmissions de patrimoine « moyennes », soit autour de 200 000 € ou 300 000 €. On comprend la pertinence de ces chiffres quand on considère que 55% des Français sont propriétaires de leur résidence principale dont la valeur tourne autour de ces montants.
  • Le désir d’élargir le champ des héritiers privilégiés. Le système actuel fait des enfants les héritiers fiscalement privilégiés avec un abattement de 100 000 €. La plupart des candidats veulent élargir ces privilèges fiscaux aux petits-enfants et, dans une moindre mesure, aux neveux et à la fratrie.

Le principal désaccord concerne les patrimoines élevés.

  • La gauche veut augmenter fortement l’impôt des patrimoines très supérieurs à la moyenne.
  • Cela interfère à la question de la transmission d’entreprise que la droite veut favoriser. En effet, les actifs professionnels représentent en moyenne 19% des patrimoines les plus élevés (premier décile).

Les lois qui régissent la transmission de patrimoine sont surtout mal connues

On peut difficilement se réjouir de voir la campagne électorale s’emparer du sujet transmission de patrimoine. Le débat électoral est en effet trop réducteur. Il n’est pas à la hauteur de la complexité des lois qui régissent les transmissions de patrimoine.

En effet, ces lois forment un enchevêtrement de lois de droit civil, de droit fiscal, de droit social, et de réglementation financière.

Ces lois sont mal connues du grand public, et visiblement aussi des candidats. En effet, leurs principales propositions ne semblent pas apporter d’améliorations pertinentes au système en place.

  • C’est avant tout la complexité de ces lois qui empêche les patrimoines « moyens » d’être mieux exonérés dans le système actuel. S’il est bien conseillé, un ménage qui désire transmettre entre 200 000 € et 300 000 € peut le faire en quasi totale exonération. Les propositions des candidats paraissent donc sans objet sur ce point.
  • De même, le dispositif actuel de transmission de petites et moyennes entreprises par le Pacte Dutreil est déjà très puissant. Il semble bien à même de protéger les petites entreprises si elles savent le préparer et le mettre en place correctement. Il ne semble donc pas nécessaire d’aller vers l’extrême, par ailleurs peu réaliste, d’une exonération totale de la transmission d’entreprise.

Conclusion

Le sujet d’une réforme des droits de transmission de patrimoine par succession et donation demanderait un examen approfondi et serein. Le débat électoral, par son aspect réducteur, ne contribue pas à l’information dont le public aurait pourtant bien besoin.

Dans l’immédiat, les Français ont surtout besoin de conseillers bien informés.

 

 

[i] Rapport de l’OCDE « Inheritance taxation in OECD countries »

[ii] Rapport du Credoc Note 301 • ISSN 0295-9976 • Octobre 2018