Les organismes sociaux peuvent exiger le remboursement de certaines aides sociales sur le patrimoine de succession, ainsi que sur les donations, les legs, et même sur les contrats d’assurance vie du défunt. Les mécanismes de remboursement des aides sociales sont complexes. L’enjeu est souvent de plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’euros. Il est donc important de s’en informer.
Quelles sont les aides sociales à rembourser ?
La plupart des aides sociales sont soumises à des conditions de revenu. Mais une personne peut avoir de faibles revenus et un patrimoine conséquent. C’est le cas, très fréquent, de personnes âgées propriétaires de leur logement.
Dans ce cas, la personne âgée peut bénéficier des aides sociales nécessaires à sa vie quotidienne, par exemple pour payer un séjour en EPHAD ou une aide à domicile. Cependant, les organismes sociaux considéreront alors ces aides comme des avances. Les aides seront donc remboursables, au moins en partie, au moment de la succession.
Les principales aides sociales concernées sont les aides de solidarité octroyées aux personnes âgées ou handicapées :
- l’ASPA « Allocation de solidarité aux personnes âgées »,
- l’ASI « Allocation supplémentaire d’invalidité »,
- l’ASH « Aide sociale à l’hébergement »,
- l’allocation d’aide-ménagère à domicile.
Je vous invite à lire notre article « Quelles sont les aides sociales que la succession doit rembourser ? » pour plus de détails.
Quels sont les mécanismes de remboursement des aides sociales ?
Dans cet article, nous nous intéressons au mécanisme de recouvrement des aides sociales remboursables. Le Code de l’action sociale et des familles et le Code de la sécurité sociale définissent comment les organismes sociaux de l’État ou du département peuvent exercer leur recours en recouvrement. En clair : qui doit rembourser quoi.
Le remboursement par l’allocataire de son vivant
Tout d’abord, les aides sociales peuvent être récupérées sur le patrimoine de l’allocataire de son vivant s’il « revient à meilleure fortune », c’est-à-dire si son patrimoine augmente de manière significative.
- Par exemple, si l’allocataire reçoit un héritage ou un legs important.
Les aides sociales récupérées sur la succession
Au décès de l’allocataire, les aides sociales reçues peuvent être recouvrées sur l’actif net de la succession du défunt, soit son patrimoine moins ses dettes. Ce recouvrement sur la succession peut atteindre des sommes très importantes. Mais il est limité par des seuils et plafonds.
Pour les allocations ASH, allocation d’aide-ménagère régies par le Code de l’action sociale et des familles :
- Le recouvrement s’exerce uniquement si l’actif net successoral excède 46 000 € et seulement sur la part supérieure à ce montant. En clair : si le patrimoine du défunt est inférieur à 46 000 €, la succession ne doit rien rembourser.
- Seules les dépenses supérieures à 760 €, et pour la part dépassant ce montant peuvent donner lieu à ce recouvrement.
Pour les allocations ASPA et ASI régies par le Code de la sécurité sociale :
- Le recouvrement s’exerce uniquement si l’actif net successoral, hors capital d’exploitation agricole, excède 39 000 €, et seulement sur la part supérieure à ce montant.
- La récupération est limitée depuis le 1er janvier 2021 à 7 354,12 € par an pour une personne seule et 9 838,68 € par an pour un couple (marié, concubin, pacsé).
On voit que les aides sociales récupérées sur la succession peuvent se compter en milliers d’euros par an, multipliés par des décennies. L’impact sur la succession peut donc être très important.
Le recouvrement sur les donations ou legs
Deuxièmement, le recours en recouvrement des aides sociales peut être intenté contre les personnes que l’allocataire a gratifiées d’une donation ou d’un legs, à savoir ses donataires ou légataires.
- L’acte de donation doit avoir été conclu postérieurement à la demande des aides sociales ou dix ans avant la demande.
- Bien évidemment, le recours est limité à la valeur des biens donnés par l’allocataire de l’aide sociale. Cette valeur est estimée au moment du recours. Les plus values imputables au bénéficiaire du don ou legs, par exemple par ses dépenses d’entretien d’un logement, peuvent être déduites de la valeur prise en compte.
Le recouvrement sur les contrats d’assurance vie
Troisièmement, les aides sociales peuvent être recouvrées sur des contrats d’assurance vie conclus par l’allocataire. Ce troisième point est plus technique. Il a donné lieu à de nombreuses jurisprudences.
La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 a stipulé que les aides sociales pouvaient être recouvrées sur les contrats d’assurance vie souscrits après cette date par le défunt pour la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans.
Pour les contrats souscrits avant cette date, il ne pourrait pas, en principe, y avoir récupération des aides sociales.
Cependant, les juges de la Cour de cassation ont jugé récemment qu’il était possible de requalifier en donation un contrat d’assurance vie antérieur à 2015, et donc de récupérer les aides sociales sur ce contrat.
Retraçons le cas jugé en Cour de cassation le 3 mars 2021 :
- Un allocataire de 77 ans avait souscrit en 2003 un contrat d’assurance vie pour la quasi-totalité de son patrimoine. Il n’avait pas déclaré ce contrat lors de sa demande d’aides sociales pour couvrir les frais de sa maison de retraite. Il a reçu ces aides jusqu’à sa mort.
- Les services sociaux du département ont souhaité récupérer ces aides sur le contrat d’assurance vie.
- Le contrat avait été conclu avant 2015. Il ne pouvait donc pas, en principe, y avoir de recouvrement sur ce contrat. La Cour d’appel a donc, dans un premier temps, débouté les services sociaux.
- Mais la Cour de cassation a jugé que l’âge et la situation patrimoniale et familiale du souscripteur révélaient son « intention libérale ». Elle a requalifié l’assurance vie en donation. Le Conseil départemental a donc récupéré les sommes dues au titre des aides sociales sur cette assurance vie.
Des sommes importantes
A la lecture de cet article, vous pouvez constater que les aides sociales récupérées sur la succession peuvent représenter des dizaines de milliers d’euros. Il est donc primordial de les prendre en compte lorsque l’on prépare la transmission du patrimoine familial.