L’inflation est de retour depuis quelques mois. Cette inflation, qui devait être temporaire, s’accélère et se prolonge. Risquons-nous une augmentation des taux d’emprunt immobilier ?
Pour répondre à cette question, nous nous penchons sur le rôle des banques centrales.
Pourquoi les taux d’emprunt immobilier sont-ils si bas depuis plusieurs années ?
Une des missions principales des banques centrales est de veiller à la stabilité des prix. Elles veulent éviter aussi bien une trop forte inflation qui diminuerait le pouvoir d’achat des citoyens qu’une baisse des prix généralisée (la déflation) qui paralyserait la croissance économique.
Pour cela, elles disposent de plusieurs outils. Un de ces outils est la fixation des taux directeurs, le taux auquel les banques commerciales peuvent se refinancer, et donc emprunter de l’argent.
- Les taux auxquels les banques commerciales nous prêtent de l’argent dépendent notamment du taux auquel elles empruntent elles-mêmes. Plus ces taux sont bas, plus les ménages peuvent facilement emprunter et plus la consommation est importante. Si la consommation augmente, les prix ont tendance à augmenter et l’inflation repart. Les banques centrales considèrent qu’un taux d’inflation de 2 % est un indicateur d’une économie saine.
- Ces dernières années, l’inflation était trop faible (0,1% à 1,8% par an entre 2013 et 2020 en Europe). À ces niveaux d’inflation, il y a un risque de déflation. Lorsque tous les prix baissent, les salaires stagnent, les consommateurs repoussent leurs intentions d’achat en pensant « Je vais attendre que cela baisse encore. » Les conséquences sur l’économie sont une baisse des commandes des entreprises, une baisse du chiffre d’affaires, une baisse des salaires, des licenciements, etc. L’économie entre dans une spirale infernale.
- Pour éviter cet effet de déflation, les banques centrales stimulent l’inflation en pratiquant des taux directeurs extrêmement faibles pour stimuler la consommation. Ces taux sont proches de 0, voire négatifs ces dernières années et c’est pour cela que les taux d’emprunt immobiliers sont très faibles.
D’où vient l’inflation de ces derniers mois ?
La crise sanitaire que nous traversons a eu un impact très important sur les économies mondiales. Des chaînes d’approvisionnement ont été rompues. La consommation et la production de biens et services ont fortement ralenti, ou se sont brutalement arrêtées, selon les secteurs. Dans le même temps, des mesures de soutien ont permis d’éviter la faillite des entreprises et de préserver les salaires des travailleurs qui ont beaucoup épargné pendant cette période.
L’année 2021 a marqué une reprise brutale de l’économie à la suite de l’allégement de la plupart des mesures sanitaires. Les transports ont repris, la consommation de matières premières et d’énergies comme le pétrole, l’électricité et le gaz a fortement augmenté sur une période très courte sans laisser le temps aux appareils de production de s’adapter à la nouvelle demande.
Cette augmentation soudaine de la demande a naturellement provoqué une augmentation de l’inflation en 2021 dans de nombreux pays. Sur l’année 2021, l’inflation a atteint 6,8 % aux USA, 4,9 % en Europe et 2,8 % en France.[i]
Cette inflation, due à une reprise économique brutale, a, dans un premier temps, été jugée temporaire par les gouverneurs des banques centrales. Mais l’augmentation des prix semble être plus tenace et plus forte que prévu et le terme « temporaire » disparaît peu à peu des commentaires de nos observateurs économiques. La Banque de France ne prévoit pas de baisse de l’inflation avant 2023.
Quel impact sur le marché immobilier ?
Si nous faisons face à une inflation durable, la stratégie de taux directeurs très bas n’aura plus de sens. La logique serait de remonter les taux de refinancement des banques commerciales pour fermer le robinet du crédit et ralentir la consommation.
Dans une telle situation, le financement immobilier serait plus compliqué et plus coûteux. Ce serait la fin du marché immobilier boosté aux hormones d’une politique monétaire très accommodante. Moins de ménages pourraient se permettre d’acheter, une baisse de la demande entraînerait certainement une baisse des prix de l’immobilier puisque pour vendre leur bien, les propriétaires devraient baisser leur prix de vente.
Une remontée brutale des taux n’est toutefois pas à l’ordre du jour. En effet, les banques centrales veulent éviter à tout prix un ralentissement de l’économie durement éprouvée par la pandémie. Le Conseil des directeurs de la Banque Centrale européenne a déclaré :
« Les taux d’intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce qu’il constate que l’inflation [se stabilise à] 2 %… Cela peut également donner lieu à une période transitoire pendant laquelle l’inflation sera légèrement supérieure à l’objectif. »
Nous pensons donc qu’une remontée brutale des taux directeurs n’est pas à l’ordre du jour sur le moyen terme.
Une crise du marché immobilier et une chute brutale des prix ne sont donc pas à craindre, selon nous.
[i] Chiffres de novembre pour les USA et l’Union européenne, source Eurostat. Décembre 2021 pour la France (Source Insee).